Stanislas Dehaene (1965 -....)

Apprendre !

Les talents du cerveau, le défi des machines


  • Apprendre est un principe vital. (p.21)

  • La faculté d'apprentissage, elle , agit bien plus vite [que la sélection naturelle] : elle modifie le comportement en quelques minutes. Et c'est ce qui fait l'intérêt de l'apprentissage : s'adapter, le plus vite possible à des conditions imprévisibles. (p.25)

  • Savoir apprendre est l'un des plus importants facteurs de réussite scolaire. (p.28)

  • Les compétences des très jeunes enfants pour le langage, l'arithmétique, la logique ou l'estimation des probabilités démontrent l'existence d'intuitions précoces et abstraites sur lesquelles l'enseignement doit s'appuyer. (p.28/29)

  • Quatre mécanismes essentiels modulent massivement notre capacité d'apprendre.
    En premier vient l'attention : [...]
    En deuxième, l'engagement actif : [...]
    Troisième volet, et complément naturel de l'engagement actif : les signaux d'erreur et de surprise [...]
    Enfin, quatrième facteur, la consolidation : (p.33)

  • Chaque réponse erronée fournit une information extrêmement précieuse. Par son signe (comme un geste trop à droite ou trop à gauche), l'erreur nous indique ce qu'il aurait fallu faire pour réussir. )(p.49)

  • Apprendre, c'est découvrir une hiérarchie d'indices appropriés au problème posé. (p.51)

  • L'intelligence artificielle a vraiment atteint des niveaux de réussite capable de bouleverser l'industrie. (p.58)

  • Nous verrons, que la métacognition , cette capacité à se connaître soi-même, à s'autoévaluer, à simuler mentalement ce qui se passerait si nous agissions de telle ou telle manière, joue un rôle fondamental dans les apprentissages humains. (p.60)

  • Disposer de trop de paramètres nuit à l'abstraction. Le système apprend facilement, mais il est incapable de généraliser à des situations nouvelles, auxquelles son éducation ne l'a pas exposé. Or cette faculté de généralisation est la clé de l'apprentissage. (p.60/61)

  • Apprendre, c'est projeter des hypothèses a priori [note : titre d'un sous chapitre] (p.62)

  • Apprendre, c'est partir d'un jeu d'hypothèse a priori (même s'il peut être très vaste), projeter ces hypothèses sur les données et sélectionner celles qui conviennent le mieux. Comme le dit Jean-Pierre Changeux dans L'homme neuronal : « Apprendre c'est éliminer. » (p.65)

  • Les succès récents de l'intelligence artificielle peuvent laisser croire que nous avons enfin compris comment imiter l'apprentissage de l'espèce humaine dans les machines - au point que, selon certains prophètes autoproclamés, les machines seraient sur le point de nous dépasser. Rien n'est plus faux. (p.67)

  • Ce qui manque encore à l'intelligence artificielle [note : titre d'un sous chapitre] (p.68)

  • Voici une petite liste, sans doute incomplète, de fonctions que même un très jeune enfant possède, et qui font échouer lamentablement la plupart des réseaux actuels : [note: la numérotation des points n'est pas dans l'original]
    (1) L'apprentissage de concepts abstraits (p.68)
       Les réseaux de neurones négligent un point essentiel : apprendre c'est se former un modèle abstrait du monde, pas juste un filtre de reconnaissance de formes. (p.69)
    (2) La vitesse d'apprentissage (p70)
       L'apprentissage, dans notre espèce, sait tirer le meilleur parti de la moindre donnée. (p.71)
    (3) L'apprentissage social (71)
    (4) L'apprentissage en un essai (71)
    (5) L'apprentissage de règles systématiques, formulées dans un langage de la pensée. (72)
       Aucun réseau de neurones ne sait aujourd'hui représenter des connaissances aussi systématiques que « chaque nombre possède un successeur ». (p.72)
      Notre cerveau, lui, semble pouvoir se créer des formules dans une sorte de langage mental. S'il parvient à exprimer le concept d'ensemble infini, c'est parce qu'il possède un langage interne doué d'une fonction de négation (infini = non fini). (p.72/73)
       Apprendre, c'est sélectionner, parmi toutes les formules disponibles dans le langage de la pensée, la plus simple qui s'ajuste aux données. (p73)
    (6) La composition des connaissances (74)

  • Apprendre efficacement, c'est donc hiérarchiser les informations : se forger, dès que possible, des règles générales, qui résument toute une série d'observations. (p.77)

  • L'une de ces règles, c'est de toujours privilégier l'hypothèse la plus petite qui soit compatible avec l'ensemble des données. (p.79)

  • D'autres astuces permettent également à l'enfant d'apprendre à parler en un temps record. L'une de ces métarègles exprime un truisme : en général, le bébé peut considérablement restreindre son espace de recherche : il n'est pas obligé de corréler chaque mot avec tous les objets présents dans la scène visuelle, comme un ordinateur,... (p.79)

  • Un bébé ne retient les mots que s'il comprend l'intention de celui qui parle. (p.81)

  • Comment fonctionnent les théories scientifiques ? Lorsqu'un scientifique formule une théorie, il ne se contente pas d'exhiber des formules mathématiques - il formule des prédictions. L'importance de la théorie se juge à la richesse des prédictions originales qui en découlent. C'est la vérification ou la réfutation des ces prédictions qui entraîne la validation ou la chute d'une théorie. (p.87)

  • Apprendre exige une double architecture : une immense quantité de modèles génératifs internes, et des algorithmes efficaces pour les ajuster à la réalité. (p.95)

  • Il a fallu des avancées méthodologiques importantes en sciences cognitives pour mettre en évidence l'extraordinaire base de données avec laquelle chaque bébé vient au monde. (p.97) & 0 objet L'existence des objets est une propriété fondamentale de notre environnement. Avons-nous besoin de l'apprendre ? Non. (p.98)

  • L'expérience montre que même un bébé de quelques semaines est sensible à la magie : il possède des intuitions profondes du monde physiques et, comme nous tous, il est abasourdi lorsque celles-ci sont réfutées. (p.98)

  • Habituons-nous à cette idée : la réaction de surprise ne va pas de soi, ce n'est pas une réponde triviale de notre cerveau. Lorsque nous sommes surpris, c'est signe que nous pensions que cet évènement avait une chance infime de se produire -et donc que notre cerveau a fait un calcul de probabilité. Or même le cerveau du bébé présente des réactions de surprise très élaborées..Ergo, il effectue des calculs probabilistes. (105)

  • Dès la naissance, un bébé préfère écouter sa langue maternelle qu'une langue étrangère - un résultat extraordinaire, qui implique qu'un apprentissage a eu lieu pendant la grossesse. (p.110) & 0 orientation Nous savons aussi que l'enfant, même très petit, possède un sens de l'espace. (p.128)

  • La plasticité [cérébrale] est une variable d'ajustement, certes fondamental dans nos apprentissages, mais encadrée, confinée par toutes sortes de contraintes génétique qui font de nous de ce que nous sommes, le croisement d'un génome fixe et d'expériences uniques. (p.149)

  • La maîtrise de la phonologie d'une langue étrangère est l'une des premières compétences à décliner avec l'âge : dés ses plus tendres années, un enfant est déjà moins compétent qu'un bébé de quelques mois. (p.159)

  • Que le singe que nous sommes puisse apprendre à lire ne devrait jamais cesser de nous émerveiller. (p.174)

  • De nombreuses expérimentations montrent que lorsqu'elle intervient précocement, la scolarisation transforme la vie : ... (p.202)

  • Toutes les recherchent le montrent : enrichir l'environnement de très jeunes enfants, c'est construire l'avenir de leur cerveau. (p.202)

  • Sélectionner l'information pertinente est fondamental pour l'apprentissage. (p.210)

  • C'est pourquoi il est essentiel que chacun apprenne à faire attention - et que les enseignants fassent plus attention à l'attention ! Car si les élèves ne prêtent pas attention, il n'ont aucune chance d'apprendre. Je dis souvent que le plus grand talent de l'enseignant consiste à canaliser et a captiver, à chaque instant, l'attention de l'enfant afin de l'orienter vers le niveau appropriée. (p.212/213)

  • « L'art de faire attention, qui est le grand part, dit le philosophe Alain, suppose l'art de ne pas faire attention, qui est l'art royal. » Faire attention, c'est effectivement choisir ce que l'on décide de négliger. (p.218)

  • Faire attention, c'est donc sélectionner - et, en conséquence, prendre le risque d'être aveugle à ce que nous choisissons de ne pas voir. Aveugles, vraiment ? Le terme n'est pas trop fort : une expérience célèbre, celle du gorille invisible, illustre à merveille la cécité totale que cause l'inattention. [voir : livre pour description de l'expérience] (p.219)

  • L'expérience du gorille est une découverte fondamentale des sciences cognitives, maintes fois répliquée : le simple fait de focaliser son attention sur un objet de pensée rend aveugle à d'autres stimulations.
    [...]
    L'expérience du gorille mérite vraiment d'être connue de tous, et particulièrement des parents et des enseignants. En effet quand nous enseignons, nous avons tendance à oublier ce que c'est que d'être ignorant. Nous pensons que ce que nous voyons, tout le monde peut le voir. Et nous ne comprenons donc pas qu'un enfant puisse, sans aucune mauvaise volonté, ne pas voir, au sens le plus littéral du terme, ce qu'on cherche à lui enseigner. Or l'expérience est claire: s'il ne comprend pas à quoi il doit faire attention, il ne le voit pas, et ce qu'il ne voit pas, il ne peut pas l'apprendre. [je mets en gras] (p.219/220)

  • Le message est clair : l'attention change radicalement l'activité cérébrale. (p.222)

  • Bien enseigner, c'est donc avant tout choisir avec soin ne niveau auquel on souhaite que l'enfant fasse attention, parce que c'est lui et lui seul qui sera représenté dans son cerveau avec toute la force nécessaire pour un apprentissage efficace. Les autres stimuli, les perdants de la compétition attentionnelle, ne seront pas appris. (p.223)

  • En bref, apprendre à ce concentrer est un ingrédient essentiel de l'apprentissage. (p.226)

  • L'attention exécutive correspond approximativement à ce que nous appelons la concentration ou le contrôle de soi. (p.226)

  • Bien avant l'invention de l'ordinateur, la médecin et pédagogue italienne Maria Montessori avait déjà noté à quel point les activités pratiques peuvent développer la concentration.[...] D'autres études montrent les bénéfices des jeux vidéo, de la méditation, de la pratique d'un instrument de musique...Il est si difficile, pour un enfant, de contrôler tout son corps, son regard, sa respiration, en coordonnant ses gestes avec ceux des autres - c'est pourquoi la pratique d'un instrument de musique, dès le plus jeune âge, a des effets importants sur les circuits attentionnels du cerveau, y compris une augmentation importante et bilatérale de l'épaisseur du cortex préfrontal. (p.229/230)

  • L'entraînement du contrôle exécutif modifie même le quotient intellectuel. [...] le QI peut augmenter de 20 points lorsqu'un enfant est adopté dans une famille de haut niveau socio-économique, et on estime que le gain lié à l'éducation atteint entre 1 et 5 points de QI par année d'éducation supplémentaire. (p.230)

  • L'entrainement précoce de la mémoire de travail, particulièrement s'il démarre dès la maternelle, semble avoir des effets positifs sur la concentration et la réussite dans de nombreux domaines, y compris ceux qui sont le plus directement pertinents pour l'école : la lecture et les mathématiques. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant, puisque l'on sait depuis des années que la mémoire du travail est l'un des meilleurs prédicteurs de la réussite en arithmétique des années plus tard. Les effet de ces entraînements sont démultipliés si l'on combine un travail sur la mémoire avec un enseignement plus direct du concept de « ligne numériques » - l'idée essentielle que les nombres s'organisent sur un axe linéaire, et qu'additionner ou soustraite consiste à se déplacer sur cette ligne. [en gras par moi] (p.232)

  • [...] Chez Home sapiens, , plus que chez tout autre primate, l'attention et l'apprentissage dépendent de signaux sociaux : je fais attention là où tu fais attention, et j'apprends ce que tu m'enseignes. [en gras par moi] (233)

  • Cette capacité de partage social, qu'on appelle l'attention partagée, détermine ce que l'enfant apprend. (p233)

  • La présence d'un tuteur humain module massivement l'apprentissage. (p.234)

  • Le cerveau de l'enfant prête une attention extrême aux indices ostensibles de communication volontaire. (235)

  • Parents, enseignants, gardez constamment à l'esprit ce fait capital : votre attitude et votre regard changent tout pout l'enfant. S'attacher l'attention de l'enfant par le contact visuel et verbal, c'est garantir que celui-ci partage votre attention, et multiplier d'autant les chances qu'il retienne l'information que vous cherchez à lui transmettre. (235)

  • L'adulte qui enseigne doit constamment penser à ce que l'enfant ne sait pas: il adapte ses mots et choisit ses exemples afin, de transformer, au plus vite, la connaissance de l'enfant. (p.237)

  • Toute véritable relation pédagogique implique un lien mental fort entre l'enseignant et l'élève. (p.238)

  • Toute relation pédagogique saine doit se fonder sur l'attention, l'écoute, le respect et la confiance, dans les deux sens. (p.239)

  • Ce que l'humanité à mis des siècles à découvrir, comment penser que l'enfant puisse le redécouvrir en quelques heures, sans aide extérieure ? (p.248)

  • Se tromper, c'est déjà apprendre. Les deux termes sont virtuellement synonymes, car chaque erreur est une opportunité d'apprentissage. (p.266)

  • Apprendre, c'est réduire l'imprévisible. (p.269)

  • [...] La qualité du retour sur erreur que reçoivent les élèves est l'un des facteurs déterminants de la réussite scolaire. (p.277)

  • La note sèche, lorsqu'elle n'est pas accompagnée d'appréciations détaillées et constructives, constitue donc un bien piètre retour sur erreur. (p.278)

  • Trop souvent, à l'école, la note sert de sanction. Nous ne pouvons ignorer ses effets massifs sur les systèmes émotionnels du cerveau : découragement, sentiments d'impuissance et de stigmatisation chez les enfants. (p.279)

  • Les effets du stress ont été particulièrement étudiés dans le domaine des mathématiques, championnes mondiales de l'anxiété scolaire.[...] (p.280)

  • De nombreuses recherchent, tant chez l'homme que chez l'animal, le confirment: le stress et l'anxiété nuisent à la faculté d'apprendre. (p.280)

  • Distribuer une mauvaise note en la présentant comme une sanction, c'est donc prendre le risque d'inhiber les progrès de l'enfant, car le stress et le découragement l'empêcheront d'apprendre. (p.280)

  • La distribution de l'apprentissage sur plusieurs jours a des effets massifs : L'expérience montre que l'on peut multiplier sa mémoire d'un facteur 3 lorsqu'on révise à intervalles réguliers plutôt que de tenter d'apprendre en une seule fois. La règle est simple, et tous les musiciens la connaissent : mieux vaut quinze minutes de travail tous les jours de la semaine que deux heures concentrées sur une seule journée. (p285)

    (Editions Odile Jacob 2018 (ISBN 978-2-7381-4542-0)



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dernière mise à jour : 08/10/2018 version: YF/09/2018